Muanda : le pétrole nuit aux habitants

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Le champ pétrolier et gazier de Muanda

Malgré son pétrole, au Bas-Congo, le territoire Muanda reste pauvre. La pollution expose les habitants aux maladies et appauvrit le sol et les eaux. Certains agriculteurs et pêcheurs exigent plus de transparence et des infrastructures de base. D’autres quittent déjà leur région.

 

Le champ pétrolier et gazier de Muanda
Le champ pétrolier et gazier de Muanda

Près d’un malade sur trois internés dans les hôpitaux et centres de santé du territoire de Muanda (Bas-Congo), à environ 200 km à l’ouest de Matadi, souffre de maladies respiratoires. Ce chiffre de l’Inspection provinciale de la santé date de trois ans. Pour plusieurs spécialistes, il illustre bien les conséquences de la pollution pétrolière dans cette contrée. Dans le même ordre d’idée, les voyageurs qui empruntent la nationale N°1 entre Boma et Muanda (120 km) sont frappés par la santé visiblement précaire des paysans des villages environnants. Presque tous, hommes, femmes et enfants, affichent une mauvaise mine. « Depuis quelques années, ils paraissent malades, alors qu’il y a 20 ans, ils se portaient tous à merveille ! », assure Gabriel Madiya, un notable du coin.
D’après Didier Mambueni de la Société civile du Kongo-central, « les maladies respiratoires contractées proviennent très souvent des déchets pétroliers que les multinationales enfouissent dans des étendues agricoles ». Le docteur Mavuemba, un des ténors de la Commission de concertation et de développement dont la mission consiste à défendre les intérêts des originaires du territoire auprès des multinationales, semble, lui-aussi, proche de cet avis. Même son de cloche pour la plupart des médecins locaux. Pour l’un d’eux, la pollution est de beaucoup dans l’augmentation des cas de maladies respiratoires : « Je reçois presque chaque mois au moins 10 patients souffrant de tuberculose, de pneumonie ou de sinusite. »

Agriculture et pêche touchées
Beaucoup d’agriculteurs ne travaillent plus dans les champs et leurs familles sont de plus en plus malnutries. « La pollution met tellement à mal l’activité agricole… Je n’ai plus d’autre choix que d’aller m’installer à Boma… Je dois faire autre chose pour ma survie », estime Grégoire Tshikokolo, un agriculteur du village Kai-Tshianga, secteur d’Assolongo. Chantal Muwoyo est aussi proche du départ : « Je ne peux plus rester ici et laisser mourir de faim mes enfants. Je dois partir ailleurs où je me sentirai à l’aise. » Le long de la route de Muanda et tout autour de nombreux villages vidés de leurs habitants, un début d’exode est déjà visible.
D’autant plus que la pêche n’est pas épargnée. « Toutes les rivières qui se jettent dans l’Océan Atlantique sont polluées à cause des « vers de laine » (produits utilisés dans la coloration de l’essence, Ndlr) que les multinationales y déversent », accuse Jean Ntemo, un agent maritime retraité. L’Office congolais de contrôle (OCC) a, maintes fois, tiré la sonnette d’alarme, mais en vain. Pour l’un de ses cadres qui a requis l’anonymat, les « vers de laine », met-il en garde, représentent un poison très violent. En sus, poursuit-il, ils sont de beaucoup responsables dans la rareté de certains espèces aquatiques. Les autorités de Muanda disent avoir interpellé plus d’une fois les multinationales à ce sujet. Malheureusement, leurs responsables semblent s’entêter. Souvent saisi, l’Etat congolais reste silencieux à ce propos.

« L’électricité et l’eau : un luxe ! »
Perenco, compagnie indépendante présente dans 16 pays à travers le monde, exploite le pétrole depuis 2000 à Muanda. C’est, pour le moment, l’unique société à le faire. Le contenu du contrat qui lie cette société à l’Etat congolais est ignoré des autochtones. « Nous n’avons été ni associés, ni représentés, encore moins intéressés lors de la conclusion de ce marché », s’indigne Joachim Magbondo, un notable. Les multinationales ne veulent pas s’exprimer sur cette question. Elles font plutôt valoir leurs réalisations : construction et réhabilitation d’édifices scolaires et territoriaux, ponts, etc.
En réalité, Perenco ne donne rien directement aux populations. C’est le gouvernement central qui, pour les autochtones, rétrocède 210 000 $ par an sur les impôts et taxes pétroliers que Perenco lui verse. Une fois ce fonds (re)mis à la disposition de Perenco, cette dernière informe les populations qui lui déposent des projets. A charge à elle de les financer ensuite. Mais, dans ce processus, les autochtones n’ont pas de comptes à demander à la société pétrolière. D’où leur colère.
Selon eux, « Muanda connait du retard de développement par rapport aux villes pétrolières angolaises de Soyo et Cabinda. Chez nous, l’électricité et l’eau demeurent à ce jour un luxe ! » Ainsi, une bonne partie de la population boit de l’eau non traitée provenant de puits de fortune. Quant aux travaux d’asphaltage de la principale route, ils ont été abandonnés, début 2012, faute de financements… « Sur les 12 km prévus, seuls 5 ont été jusque là asphaltés », signale Vincent Dikila, administrateur du territoire adjoint.

Dieudonné Muaka(www.syfia-grands.lacs.info)

 

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