Matadi : déféquer proprement n’est pas à la portée de tous

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Toilette publique


A Matadi, capitale de la province du Bas-Congo, au sud-ouest de Kinshasa, se soulager est un problème car la roche trop dure ne permet pas à chacun de construire facilement des toilettes et celles qui sont publiques sont trop chères pour certains. Nombreux sont ceux qui défèquent dans des sacs en plastique qu’ils jettent dans la nature.

Toilette publique

Lorsque des habitants déambulent dans les rues de Nzanza et Mvuzi, deux communes populeuses de Matadi, chef-lieu du Bas-Congo, ils sont nombreux à mettre leurs mains sur le nez et la bouche pour ne pas inhaler les mauvaises odeurs propagées par les matières fécales jetées partout. Dans ces deux communes surtout, mais aussi ailleurs dans la ville, il n’est pas simple de trouver des toilettes. Le relief de Matadi (pierre en Kikongo) construit sur un rocher n’offre en effet pas la possibilité aux familles pauvres de construire une toilette pour soi ni d’accéder aux WC publics payants. « Pendant que j’ai du mal à trouver de quoi nourrir mes enfants, où trouverai-je de sous pour permettre à chacun de payer le droit d’accès aux WC publics de l’Etat ? », se lamente Jonathan Luvuezo, père de huit enfants, résidant à Nzanza. « Je gagne à peine 45.000 Fc (50 $) le mois. J’ai 15 bouches à nourrir chez-moi. En faisant le calcul, je devrais débourser en principe chaque jour 1.500 Fc (1,6 $) pour l’ensemble de mon foyer rien que pour payer les 100 Fc (0,10 $) de droit d’accès aux WC publics, calcule B.L, un autre habitant de Matadi qui plaide pour la gratuité de ce service. Quel est ce père de famille qui accepterait d’engloutir tout son salaire dans cette taxe et laisser mourir de faim ses enfants? ».

Danger pour la santé et l’environnement
Dans sa parcelle dépourvue de latrine, B.L dit n’avoir d’autres choix que de demander à sa maisonnée d’effectuer leur besoin physiologique dans des pots ou sachets en plastique qu’ils vident ensuite dans la nature ou dans les rues adjacentes.
Au lieu de salir la ville en y jetant ci et là les matières fécales, Suzanne Wabelo, une femme au foyer qui désapprouve cette pratique, conseille, elle, à ses enfants de « creuser de petits trous sur la surface rocailleuse de leur parcelle dans lesquels ils peuvent déféquer en cas de besoin et les recouvrir ensuite avec de la terre pour empêcher les odeurs de se répandre partout ».
Mais jeter dans la nature ou enterrer sommairement ses selles.., l’impact de cet acte sur l’environnement et la santé des gens reste bien néfaste, fait remarquer le médecin inspecteur provincial du Bas-Congo. Dr Oscar Mavila, qui estime à 1/10 le nombre d’enfants qui attrapent les maladies dites des mains sales dans la ville de Matadi. Et les communes de Nzanza et de Mvuzi où les maisons sont presque toutes construites sur des roches difficiles à creuser pour se doter d’une toilette sont les plus exposées. Pierrot Muanda Mvumbi, coordonnateur provincial de la Société civile du Bas-Congo interpelle le gouvernement provincial pour qu’il trouve vite des messages nouveaux à faire passer chez les gens pour qu’ils changent de comportement. Sinon, avertit-t-il, « les maladies dites des mains sales y seront toujours en constante évolution avec leur cohorte de malheur à l’endroit surtout des enfants ».

Les toilettes payantes profitent à tous
Pour freiner l’ampleur du « désastre », des jeunes désœuvrés de Matadi ont depuis deux ans pris l’initiative de construire des toilettes privées de fortune qu’ils font payer aux gens. Mais leur action apparaît comme une goutte d’eau dans l’océan de cette ville de plus de 500 mille âmes. De son côté, Jean Marc Nzeyidio, le maire de la ville s’emploie à réhabiliter la cinquantaine de toilettes publiques construites à l’époque coloniale. A ce jour, 31 sont déjà opérationnelles, mais leur accès se fait moyennant payement d’un jeton de 100 Fc. Un droit d’entrée qui fait polémique.
Selon des défenseurs des droits humains à Matadi, l’autorité urbaine doit garantir à ses administrés le droit de faire leurs besoins naturels dans de meilleures conditions. « Faire caca fait aussi partie des droits les plus élémentaires d’un homme », soutient, l’un d’eux qui plaide pour la gratuité d’accès aux toilettes publiques aux plus nécessiteux. Avis que ne partagent cependant pas tous. « Il est inconcevable, estime un habitant de voir les mêmes personnes qualifiées de nécessiteux acheter de la bière et les unités de téléphone chaque jour et ne pas être capables de payer leurs droits d’accès aux WC publics qui ont pourtant besoin des recettes pour leur entretien ».

Par Dieudonné Mwaka Dimbi

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