Sud-Kivu : Accompagnées, des femmes commencent enfin à hériter

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veuves de Kwakwa au Bas-Congo/Infobascongo

veuves de Kwakwa au Bas-Congo/Infobascongo

(RCN J&D-InfoSud/Syfia/PML) A Kalehe, au Sud-Kivu, chefs coutumiers, magistrats, associations et radios multiplient médiations et informations pour que les femmes et leurs filles accèdent enfin à l’héritage. Mais, peu d’entre elles, savent encore comment revendiquer leurs droits au Tribunal de paix.

Après le conseil de famille tenu ce dimanche chez elle, K.N. est soulagée. Grâce à l’intervention de chefs coutumiers et du Comité de dialogue et de médiation (CDM), mis en place depuis 2010 par Action pour la paix et la concorde (APC), une OSC de Bukavu, elle a finalement reçu un champ et demi. Son père, décédé il y a cinq ans, avait laissé trois champs. Son frère unique se les était tous appropriés au motif que K.N. n’avait, selon lui, pas le droit d’hériter. Dans le territoire de Kalehe, à 150 km au nord de Bukavu, l’épouse du défunt et ses filles, selon la coutume, n’ont en effet droit à rien, partant du principe que la jeune fille se mariera et vivra hors de sa famille où elle est censée acquérir d’autres biens.

Le CDM regroupe 12 membres, de quatre communautés locales, chargés de résoudre les différends interethniques, fonciers, ou de succession. Brigitte Tabaro, membre de ce Comité, va depuis mars dans des villages, des églises, répéter aux femmes qu’elles ont le droit d’hériter. Grâce au CDM, N.N. a elle aussi pu récupérer, en mai dernier, une partie des champs laissés par son mari : « Lors du partage de ces quatre champs, les membres de sa famille ont donné un seul à mon garçon de 16 ans. Je cultivais ce champ, mais ma belle-famille emportait toutes les récoltes…« .

Implication des chefs coutumiers

Entre janvier et avril derniers, Kabiona Nsibula, chef coutumier de groupement de Buzi, à Kalehe, affirme avoir accompagné trois femmes exclues du partage des biens laissés par leurs époux. Il a convoqué les familles et leur a fait signer un acte, qu’il avait lui-même authentifié. Dans ce document, tous ont finalement accepté de céder une partie de la propriété du défunt mari à sa veuve. Après avoir acquis les biens qui leur reviennent, ces femmes retournent généralement remercier le chef. Ce dernier continue ainsi à suivre leurs dossiers et à veiller à l’application de la réglementation en vigueur.

L’article 758 (livre IV) de la Loi n°87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille classe les enfants du défunt, sans distinction de sexe, dans la première catégorie des héritiers devant recevoir, selon l’article 759, les trois quarts des biens de leur défunt père. Le conjoint survivant, les père et mère, les frères et sœurs germains ou consanguins ou utérins forment la deuxième catégorie et constituent trois groupes distincts. Ils reçoivent, un quart des biens.

Depuis janvier 2012, Koko Chirimwami, chef coutumier de Mbinga Nord, territoire de Kalehe, informe les épouses de son groupement sur l’importance de faire enregistrer leurs mariages à l’Etat-civil. Ceci, ajoute-t-il, leur permettra de jouir de tous les droits d’héritage en cas de décès de leur époux, car elles pourront se plaindre plus facilement au tribunal avec l’acte de mariage. Il regrette que, malgré ces efforts, peu de femmes fassent enregistrer leurs unions à l’Etat-civil.

Gagnantes à chaque fois au tribunal

Dans un atelier tenu en avril dernier à Kalehe par APC sur le droit de la femme à l’héritage et à la propriété foncière, plusieurs chefs coutumiers ont été informés sur ces questions. Un juge du Tribunal de paix (Tripaix) de cette même ville a demandé aux victimes de venir se plaindre devant les juges de son tribunal car, dit-il, toute coutume contraire à la loi est nulle et sans effet. Ces derniers temps, les médias ont aussi apporté leur contribution, à l’image de l’émission Haki na mama, Droit et femme en français, sur radio Bubandano de Minova.

Malgré ces actions, Albert Kimbongila, président du Tripaix de Kalehe indique que depuis 2009, année d’implantation de ce tribunal, seuls une dizaine de cas sur l’héritage ont été enregistrés par sa juridiction. Même si, les femmes qui ont osé aller en justice ont, à chaque fois, obtenu gain de cause ! Généralement, elles ont reçu des champs laissés par le défunt et le droit de continuer à vivre dans sa maison. Quant aux familles qui avaient accaparé leurs biens, elles en ont été dépossédées. A. Kimbongila note toutefois que la plupart des victimes ignorent la procédure, pourtant simple, de revendication : « Il suffit d’adresser une requête au greffe du Tripaix de Kalehe et de prouver qu’on est légalement mariée au défunt par un acte de mariage ou, si le mariage n’a été célébré qu’oralement en famille, de produire au moins deux témoins. »

Alliance Neema Mudinga

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