Sud-Kivu :Illégaux et dangereux faux docteurs

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(RCN J&D-InfoSud/Syfia/PML) Au Sud-Kivu, au mépris des lois et de la déontologie médicale, des naturopathes amateurs s’improvisent « docteurs » et utilisent les médias pour faire de fausses promesses. En allant dans leurs officines, les malades perdent leur temps, leur argent, parfois même leur santé…

« Notre centre, avec des docteurs qualifiés venus du Nigeria et d’ailleurs, utilise un scanner pour détecter toutes sortes de maladies et les font guérir. » Un exemple parmi tant d’autres de publicités 100 % mensongères que les auditeurs entendent à longueur de journées sur les radios de Bukavu et d’Uvira. Certains, en particulier des analphabètes à la recherche de services moins chers et expéditifs, croient à ces fausses promesses. D’autant plus que de faux témoins prétendent y avoir été guéris de maladies incurables, uniquement à l’aide de plantes.

Leurs « sauveurs » ? Des jeunes gens, venus pour la plupart du Nigeria, du Rwanda, ou du Nord-Kivu voisin, qui se font appeler « médecins » ou « docteurs » après avoir été formés seulement 2 à 6 mois par leurs prédécesseurs dans leurs centres de médecine naturelle… Jules Asongo, président de la cellule de l’Ordre des médecins du district sanitaire d’Uvira et de Fizi estime que la profession est envahie par beaucoup de charlatans. Selon lui, si ces derniers sont plus nombreux, c’est parce qu’ils profitent de l’impunité et de l’absence d’une police spécialisée dans la surveillance des institutions sanitaires.

« Supercheries et publicités interdites« 

Pourtant, l’Ordonnance n°70/158 du 30 avril 1970 déterminant les règles de la déontologie médicale dispose en son article 8 : « Sont interdites toutes les supercheries propres à déconsidérer toute la profession médicale et notamment toutes les pratiques du charlatanisme. » Quant à l’article 6 alinéa 1er il dit très clairement : « Sont spécialement interdits tous les procédés de publicités personnelles ou avantageant un tiers notamment par la presse ou par la radiodiffusion« . Pour limiter ces dérapages, le coordinateur du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (Csac) au Sud-Kivu, Janvier Museme, a, en mai 2012, instruit la presse locale de ne plus faire la publicité des naturopathes, sous peine de fermeture de leurs radios.

Mais, bon nombre de stations n’ont pas tenu compte de cet avertissement resté sans suites, pour le moment. Ainsi, le tradipraticien Thomas Kalekene vante son travail au minimum deux fois par semaine dans toutes les radios de Bukavu et 12 des 14 stations émettant à Uvira. Il affirme, sans aucune preuve à l’appui, guérir « 80 à 90 % des malades de cancer, sida, diabète, épilepsie » qui se présentent à lui… Même assurance du côté de l’assistant manager d’une autre officine, à Uvira : « Nos soins aident à traiter les maladies chroniques. Nous administrons des produits à base de plantes. »

Faisant allusion au Code pénal, le procureur de la République près le TGI/Uvira, John Twendibandi, s’étonne : « Je n’ai jamais reçu de plainte de victimes des préjudices causés par ceux qui pratiquent illégalement l’art de guérir. Portant, ces faux docteurs sont passibles de 2 mois à 2 ans de prison. » Petit à petit, les victimes commencent toutefois à sortir de leur silence. La mère d’A.B. un enseignant, est par exemple tombée dans le coma après 2 jours de prise de produits chez un naturopathe d’Uvira. Ce dernier l’avait convaincue de venir grâce à une publicité mensongère à la radio annonçant qu’il disposait d’un scanner… Actuellement, A.B. rassemble des preuves et compte intenter un procès contre cette officine. Un autre malade souffrait, lui, depuis longtemps de coliques abdominales. Son naturopathe avait diagnostiqué un empoisonnement. Lorsqu’il s’est enfin décidé à faire un examen de laboratoire, il a appris qu’il avait en fait des ascaris (vers parasites). Il a pris des vermifuges qui l’ont soulagé.

Pas de contrôles, ni de sanctions

Face à cette incompétence aux conséquences parfois dramatiques, le médecin chef de zone de santé de Lemera, à 50 km au nord-ouest d’Uvira, propose : « Il existe une coordination gérant les tradipraticiens à l’Inspection provinciale de la Santé, mais les autorités politiques et judiciaires devraient fermer pour de bon leurs officines. Surtout celles avec des gens qui portent illégalement le titre de ‘docteur’ sans avoir été à la Fac, ni avoir prêté le serment d’Hippocrate. »

En attendant, en l’absence de contrôles et de sanctions, le président de la cellule de l’Ordre de médecins d’Uvira-Fizi suggère, quant à lui, « que lors des consultations prénatales et préscolaires, les mamans soient informées par le personnel médical de ne plus chercher guérison chez les naturopathes.« 

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