Bas-Congo:pour certains avocats, les honoraires passent avant la justice

0
67
Marche des Avocats/Photo Infobascongo

(Syfia Grands Lacs/ RD Congo) Au Bas-Congo (sud-ouest de Kinshasa), des avocats usent souvent de manœuvres dilatoires pour retarder l’issue des procès et faire payer plus longtemps leurs clients. Mais les justiciables ruinés n’en sont pas toujours pour autant mieux défendus.  

Marche des Avocats/Photo Infobascongo
Marche des Avocats/Photo Infobascongo

Condamné début août 2013 à deux ans de prison par le Tribunal de grande instance de Matadi pour outrage à l’autorité et organisation d’une marche non autorisée, Didier Mambueni, acteur de la société civile du Kongo central, purge sa peine à la prison centrale de Matadi. Après le premier jugement, ses avocats sont allés en appel successivement à la Cour d’appel de Matadi puis à la Cour suprême de justice à Kinshasa. Sans succès.

Avec le recul, il en veut à ses défenseurs. « Mes avocats ont davantage compliqué mon dossier en allant trop vite en appel à la Cour suprême de justice sans maîtriser les contours et dispositions en la matière. Maintenant les juridictions provinciales se déclarent incompétentes pour statuer sur mon cas… », regrette Didier Mambueni. Respectant les recommandations des assises des concertations nationales, le chef de l’Etat Joseph Kabila a signé le 23 octobre dernier l’ordonnance portant mesures de grâce présidentielle pour les prisonniers politiques et autres. « Malheureusement, se lamente ce prisonnier auprès des amis qui passent le voir dans sa cellule, je ne peux en bénéficier. Mes avocats ne s’en occupent plus faute d’argent. Comme ils m’ont dépouillé du peu que j’avais pour leur déplacement de Kinshasa, je ne sais même pas solliciter une liberté provisoire ».

Ses avocats n’ont que faire de sa situation. Ils lui réclament des honoraires de plus de 2 000 $ pour leur participation aux premières audiences à la Cour suprême à Kinshasa.

 

Manœuvres dilatoires

Pour beaucoup de justiciables de la province du Bas-Congo, les avocats usent intentionnellement de manœuvres dilatoires pour retarder l’issue des procès et engranger davantage d’honoraires. Une procédure qui ruine parfois les personnes qu’ils sont censés défendre.

Comme ce jeune professeur d’une école très réputée de Matadi, condamné fin septembre 2013 à deux ans de prison ferme par le Tribunal de grande instance de Matadi pour le viol d’une de ses anciennes élèves. Motivés par les frais quotidiens qu’ils recevaient à chaque séance d’audience, ses avocats l’ont persuadé d’aller en appel avec l’assurance d’un possible acquittement. Mal leur en a pris, la Cour d’appel, au regard des faits retenus à sa charge et conformément aux dispositions de la loi sur les violences sexuelles, l’a condamné à 20 ans de prison ferme plus les amendes et dommages et intérêts de l’ordre d’un million de Francs congolais. « Si je l’avais su, je me serais contenté du premier jugement… « , regrette l’enseignant.

Bienvenue Nguvulu et Jean-Claude Mayemba, avocats de renom au barreau de Matadi, désapprouvent cette façon de travailler de certains de leurs collègues. Pour eux, « c’est irresponsable pour un avocat d’aller en appel sans au préalable obtenir l’autorisation spéciale actée du client, donc en clair son consentement. Car, en fait, nous, notre rôle est de bien conseiller, bien défendre les intérêts de nos clients quand ils sont menacés, puis en contrepartie, nous avons droit à nos honoraires dignes… ».

Des honoraires pas toujours clairs

En RD Congo, le tarif des honoraires des avocats varie d’un cabinet à un autre, suivant le dossier à défendre. Luc Twangizila, avocat au barreau de Matadi précise qu’ils n’ont pas « de barème fixe, tout dépend d’un chacun et est négocié franchement avec le client. » « Les honoraires vont de 100 à 200 $ pour l’ouverture du dossier, 10 % du montant à bénéficier sur le dossier surtout quand on a gagné le procès. C’est qui est bien ce qu’on peut échelonner le paiement », témoigne Michel Buengo, un habitant de Matadi, longtemps en procès devant les cours et tribunaux pour un conflit de terre.

S’agissant des violences sexuelles, un avocat de Matadi affirme qu’avec 500 $ d’honoraires, il défend le client. Jean-Marie Mbala, un justiciable, souhaite plutôt que le barreau des avocats de Matadi mette en place un tarif officiel de consultation. « Dans la vie, il y a des limites qu’on ne peut franchir grâce aux dispositions préétablies, fait-il observer. Mais chez les avocats, faute de tarif officiel et surtout au nom de la profession libérale, tout devient permis. Ce sont très souvent les clients qui en pâtissent… ».

                                                                                           Emmanuel  Lukeba

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de confidentialité, ainsi que les Conditions de service Google s’appliquent.