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    L’élection du pape François : les attentes du continent africain.

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    Le pape François au lendemain de son élection, le 14 mars 2013. REUTERS/Alessandro Bianchi

    Nous sommes au soir mercredi 13 mars 2013. Rome grouille de rumeurs sur le cinquième scrutin du Conclave et sur la fumée blanche qui est sortie de la chapelle Sixtine. Lorsqu’apparait le nouveau pape à la fenêtre d’en haut et qu’il salue d’un sourire la foule compacte avec cette bonté et cette simplicité contagieuses, toute la foule entre en délire euphorique. Pour ma part, taciturne je reste planté là sur la place Saint Pierre avec une foule de questions dans ma tête, dont les deux principales sont les suivantes : l’élection du pape François venu du Sud,  que peut-elle modifier dans la configuration actuelle du continent africain et  dans la résolution de la crise que traverse mon pays la RD Congo ? Les chrétiens congolais, la maman vendeuse de Mvuadu, le docker du port de Matadi, le vendeur de la viande boucanée sur le route de Boma, la maman légionnaire de Luozi ou celle engagée dans le Luzolo lwa Mbote tout comme les jeunes internautes à Mbanza-Ngungu , que peuvent-ils tous espérer de cette élection ? C’est à cette question que je me suis attelé à donner une réponse dans les lignes suivantes, après avoir observé les nouvelles orientations du nouveau pontificat de François dans ses trois premiers jours.

    1. 1. L’église redevient ce qu’elle fut : pauvre pour les pauvres.

    Dès la première apparition du pape François, nous sommes tous frappés d’un fait particulier : il refuse de porter la croix en or et tient à garder sa croix qu’il endossa l’année où il fut ordonné évêque. Il sourit à tout le monde. Il parle un langage simple et direct, avec des mots de tous les jours qui vont droit au cœur des fidèles. Il invite à la prière spontanée et demande au peuple amassé à la Place Saint Pierre d’invoquer l’aide de Dieu pour qu’Il fasse descendre la bénédiction sur le nouveau pape. Il s’incline d’humilité devant le peuple qu’il est appelé à servir. Tout le peuple est tenu en haleine !

    Le lendemain, des photos circulent dans la presse italienne montrant le pape tout de blanc vêtu assis dans un petit bus. Nous apprenons alors qu’il a refusé de monter dans la voiture Mercedes préparée pour lui avec des drapeaux aux insignes pontificaux. Pendant que nous lisons encore les nouvelles de la veille, nous apprenons que le pape tout de blanc vetu a tenu à faire un saut à la via della Scroffa, une maison du Vatican au cœur de la ville de Roma où il a dormi encore la dernière nuit pour faire lui-même sa valise et régler la facture de sa chambre. Il veut par là montrer l’exemple d’honnêteté et de transparence. Le personnel à qui il règle ses factures est désemparé mais le peuple de Dieu jubile car il s’avise que cet homme est un don de Dieu à l’Eglise à un moment où il en avait grandement besoin.

    Hier samedi, il choisit de donner lui-même l’interview devant plus de milliers des journalistes massés dans la salle Paulus VI. De sa bouche, nous apprenons pourquoi il a choisi le nom de FRANCOIS. François, explique-t-il, était pauvre, artisan de la paix et gardien de la création. « Ah ! s’exclame-t-il, combien j’aimerais une église pauvre pour les pauvres ! »  Le nouveau programme pontifical est lâché en quelques formules lapidaires et nous permet de comprendre le nouveau style pastoral de ce nouveau pape.

    En parcourant son passé d’archevêque de Buenos-Aires en Argentine, c’est cela qu’il vivait avec intensité comme principe pastoral. Il a refusé d’habiter le chic  palace  réservé aux prélats pour aller emménager dans un pauvre appartement dans un quartier pauvre. Il prend les moyens de communication commun tels le bus publics. Il lave les pieds des malades et des drogués qu’il baise comme le faisait le divin Maitre. Bref, dans son cœur, le pauvre prend une dimension spirituelle considérable. Il est convaincu qu’il est impossible de se dire chrétien tout en ignorant  la présence cachée de Jésus dans le visage du pauvre et du malade, de l’étranger et du prisonnier.

    L’église dont François prend la direction doit s’habituer à prendre l’option préférentielle pour les pauvres. Elle est convoquée par le nouveau pape à l’urgence de mettre au centre de ses préoccupations ces laissés-pour-compte que la société a longtemps considérés comme des insignifiants, des sans-poids, des vauriens. C’est à partir de ces derniers qu’il faudra désormais penser le message chrétien. L’histoire connait désormais un renversement : elle comptera à partir des derniers sa grandeur sera à la mesure de son zèle à servir gratuitement. Tout le travail d’évangélisation consistera à annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à partir du modèle des pauvres. Avec le pape François, il ne s’agit plus seulement d’aller vers les pauvres. Bien plus il s’agit d’être engagés avec eux, de faire en sorte qu’ils deviennent  sujets de leur histoire, acteurs de leur propre destin. Avec l’arrivée de François sur le siège de Pierre, le travail pastoral du monde se polarise sur la capacité de l’église à libérer la force historique des pauvres et à donner au monde un visage nouveau et rajeuni. Cette cloche de la liberté et de la récupération par les pauvres de leur destin entre leurs mains sonne dans les campagnes et les forets de l’Afrique et dans les savanes congolaises. A chacun d’en répercuter le son pour que les échos en chœur envahissent tout le continent et déclenchent  de l’intérieur cette révolution de la classe moyenne vers un mieux-être.

    1. 2. L’urgence de la justice et de la paix véritables.
    Le pape François au lendemain de son élection, le 14 mars 2013. REUTERS/Alessandro Bianchi

    Le 13 mars 2013, le mercredi des cendres, le cardinal Jorge Mario Bergolio fait sa dernière homélie dans la cathédrale de Buenos-Aires, juste avant de prendre l’avion pour le conclave qui l’élira pape. L’Homélie porte un titre évocateur de ses convictions intimes : « Oui, c’est possible que tout soit nouveau et divers ». Il y parle sans ambages de la crise actuelle du monde. Nous nous sommes habitués à écouter et à voir, à travers les médias, les drames de la société d’aujourd’hui, lesquels drames sont  présentés presque  avec une joie perverse… Ces drames, continue-t-il, ce sont les souffrances des innocents et des personnes de paix qui continuent à nous frapper, nous faisons notre le mépris de droits des individus et des peuples plus fragiles. Le pouvoir de l’argent et ses effets démoniaques, la drogue, la corruption, la traite des êtres humains, y compris des bébés, associés à la misère matérielle et morale sont à l’ordre du jour. La destruction du secteur du travail digne, les émigrations douloureuses et le manque d’un futur s’unissent à compléter ce cadre. Nous ne devons pas faire semblant de sourire et de faire comme si tout allait bien.

    Pourtant nous ne devons pas non plus prendre tout cela comme de la fatalité. Nous devons nous laisser emporter par le souffle pascal et nous animer de l’espérance qui nous pousse à  dire OUI à un lendemain meilleur. Oui à l’avènement d’un monde nouveau et différent. Nous tous nous sommes invités par le Dieu de l’espérance à entreprendre un chemin pascal vers la vie en abondance, un chemin qui implique les sacrifices de vivre grâce un travail bien fait et dans la résistance contre la facilité, la corruption et la démesure d’une vie qui a tourné le dos au Dieu de l’exode.

    Celui qui sera bientôt le nouveau pape martèle les appels du prophète Joël . Déchirez vos cœurs et non vos vêtements d’une pénitence sans engagements du lendemain. Déchirer les cœurs pour permettre l’irruption d’un monde nouveau. Une fois élu pape, le même serviteur de Dieu insistera de réformer l’église et la crise du gouvernement interne de l’église non en manager mais en homme spirituel, en pape, successeur de Pierre, bref selon des critères spécifiques de l’Evangile. François d’Assise n’est pas seulement celui qui a fait le choix de la pauvreté. Il est aussi le saint qui, en songe, a vu Dieu lui demander de « guérir son église » à l’époque où l’église était en proie aux intrigues et scandales d’argent. Le nouveau pape est convaincu que c’est en mettant la propreté dans sa propre maison que l’on peut rendre service à l’humanité entière, c’est en vivant la justice et la paix au sein de l’église que les chrétiens peuvent devenir le sel de la terre et la lumière du monde. C’est alors là et là seulement que les conférences épiscopales pourront voir croitre leur autorité morale et spirituelle sur les dirigeants politiques du continent noir trop enclins à bafouer les droits et les devoirs du petit peuple.

    Avec ce nouveau pape, il faudra désormais entonner le chant de la liberté. Un hymne dont les couplets disent avec force la foi en la liberté, la foi en la bonne gouvernance, la foi au souverain primaire d’exercer son droit fondamental, l’élan évangélique de ne recevoir qu’en donnant, de ne se retrouver soi-même qu’en s’oubliant et enfin de ne ressusciter à la nouvelle vie qu’à la condition d’accepter librement de mourir en soi-même. Et à l’échelle internationale, le pape comme il l’a déjà initié en Argentine, poussera en avant la dynamique de la paix avec les autres leaders religieux. Sa parole d’autorité morale et spirituelle encouragera le processus de la globalisation économique à évoluer vers une globalisation de la solidarité qui cherchera à inscrire dans les rapports du marché le principe de gratuité et la logique du don comme expression de la fraternité universelle.

    1. 3. L’appel à tous de devenir les gardiens de la création.

    L’actuel pape sort de l’autre bout du monde comme il l’a reconnu lui-même lors de sa première adresse à l’assemblée des fidèles. L’autre bout du monde, c’est l’Amérique latine devenue le lieu de spoliation de terres par les multinationales qui achètent des latifundia en privant les paysans de terres arables. L’autre bout du monde, ce sont les espaces où les indios sont délogés de leurs terres forestières pour donner place aux entreprises qui veulent exploiter le pétrole dans l’Amazonie, polluant des cours d’eau et rendant impossible la vie de ces populations indigènes vivant de la pêche  et de la chasse. En tant qu’ancien président de la conférence épiscopale de l’Amérique Latine, le nouveau pape porte au fond de son cœur  les stigmates de toutes ces souffrances quand il invoque l’exemple de saint François pour devenir gardien de la création.

    En Rd Congo comme en beaucoup d’autres points de l’Afrique, il ne faut pas beaucoup d’effort pour identifier les hommes d’affaires, des politiciens ou des groupes financiers qui s’engagent dans des projets d’exploitation  qui polluent l’environnement et provoquent progressivement la désertification des savanes africaines. De graves atteintes sont effectuées dans la nature et la foret, à la flore et à la faune et à diverses essences qui courent le risque de disparaitre purement et simplement.

    L’évangélisation amorcée par le nouveau pontificat dessine déjà le rappel à l’ordre des actions des hommes ou des entreprises, les invitant fermement à protéger les biens fondamentaux  que sont la terre et l’eau, pour la vie humaine des générations présentes et futures et pour la paix parmi les peuples. Aujourd’hui et demain, doit continuer à vibrer le cantique franciscain à la création. A notre sœur l’eau qui est très humble, précieuse et chaste, à notre mère la terre qui nous soutient, nous nourrit et produit toutes sortes de fruits, les fleurs diaprées et les herbes !

    Annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus à partir du pauvre et pour la libération de ce dernier, construire un nouveau monde où  justice et paix s’embrassent, prendre très au sérieux la garde de la création, voilà trois axes autour desquels les africains et les congolais pourront cristalliser leur lutte pour leur bien-être grâce à l’immense espoir soulevé par l’élection du pape François. Avec lui, nous nous rassurons que la pauvreté telle que vécue par le peuple congolais n’est pas un destin ni une fatalité. Elle n’est pas non plus une grâce mais une injustice organisée, créée par un groupe d’hommes et il faudra ensemble avec le pape mobiliser les énergies libératrices pour l’éradiquer. Avec l’intime conviction que je me suis toujours faite que la mémoire du pauvre est subversive contre le pouvoir qui l’asservit. Qu’on se le dise !

    De Rome/Abbé Germain Nzinga Makitu

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