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    Matadi : Service minimum forcé pour les fonctionnaires

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    (InfoSud-RCN/Syfia) A Matadi, comme ailleurs en RDC, les fonctionnaires ne sont pas souvent dans leurs bureaux. En cause : des salaires trop bas, qui les obligent à prendre sur leur temps de travail pour gagner leur vie ailleurs. Pour mieux faciliter cet emploi du temps « aménagé », la plupart des services ont décrété, illégalement, un service minimum.

    Lundi 18 février, il est 10 heures. Le building Dragage, où se trouvent la plupart des services de l’administration publique, est désert. Où sont les fonctionnaires qui devraient se trouver dans chaque bureau à cette heure-ci ? On n’en compte qu’une poignée. Presque tous les bureaux sont encore cadenassés ou verrouillés.

    Bonga Tsasa, chef de la division provinciale de la fonction publique en charge des rentiers et des retraités, ouvre à peine son bureau. Il explique : « Les gens sont mal payés et nos droits en tant qu’agents de l’Etat ne sont jamais pris en compte par notre patron, l’Etat congolais… Dans ces conditions, comment voulez-vous que celui qui a passé la journée entière d’hier affamé arrive à temps à son poste ? »

    Le gouvernement congolais, de son côté, dit n’avoir jamais abandonné ses responsabilités envers les agents de l’Etat. Depuis plusieurs années, explique Modero Nsimba, ancien ministre provincial du Travail, « il s’attelle au contrôle biométrique des agents et fonctionnaires de l’Etat afin d’écarter dans le lot les fictifs et, éventuellement, voir comment améliorer les conditions sociale et de travail de ces derniers ».

    Mais, au building Dragage, tous les services fonctionnent de la même manière : au ralenti, ou pas du tout. Un agent du service technique de météorologie, l’air affamé, s’en prend à l’un de ses collègues qui lui reproche ses retards répétés alors qu’il était attendu ce jour-là pour un travail urgent. « Que je vienne au bureau à l’heure ou pas, c’est pareil : je ne gagnerai rien », répond-il en grinçant des dents. Le règlement de l’administration publique en RDC, dans son article 1, précise que « de lundi à vendredi, le travail commence à 7 h 30 pour se terminer à 15 heures et, le samedi, de 7 h 30 à 12 heures ».

    Impuissance

    Pour endiguer les retards ou les absences, les chefs sont souvent impuissants. Et compatissants. Roger Ndangi Makuesa, chef de la division provinciale des affaires sociales, comprend la situation de ses agents : « Nous avons pitié d’eux et nous savons ce qu’ils endurent comme souffrance. Comment pouvons-nous avoir le courage de les sanctionner ? », se demande-t-il. Selon lui, « l’Etat doit assumer la situation en revoyant leurs conditions sociales et de travail qui doivent répondre aux réalités. Sinon… »

    Avec la récente adoption par le Parlement congolais, le 9 avril dernier, de la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil économique et social, censée remédier à ces problèmes, « il y a une lueur d’espoir », pense, optimiste, Modeste Bahati, ministre national du Travail et de la Prévoyance sociale…

    En attendant, le listing de paie du janvier 2013 renseigne sur les salaires des fonctionnaires : de l’huissier au chef de division, entre 44 000 FC (50$) et 63 000 FC (70$) par mois dans une ville, Matadi, où le minimum vital moyen par jour est estimé à 10$. Ajoutez à cela les frais de scolarité, le loyer, les soins médicaux, les vêtements, les loisirs… « Nous autres fonctionnaires n’avons-nous pas droit à la vie ? », se demande un agent de la division provinciale du Plan, qui a requis l’anonymat.

     

    Débrouillardise

    Cette précarité pousse la plupart des fonctionnaires, notamment les chefs de division et chefs de bureaux, à monnayer leurs services dès lors qu’ils détiennent les signatures. Les agents subalternes, eux, ne vivent que de la débrouillardise. « Moi, je ne peux jamais aller perdre une journée entière au service plutôt qu’aux champs où je peux cultiver de quoi me mettre sous la dent. Je suis souvent au service les jours de paie. Sinon, jamais », affirme un agent commis au garage STA.

    Alors, pour que les bureaux ne soient pas perpétuellement vides, certains services ont instauré un système de service minimum. Une façon de permettre à chacun d’aller gagner sa vie ailleurs… « Je suis agent de l’Etat mais je donne aussi un coup de main au port comme journalier à la Société commerciale des transports et ports (ex-Onatra) pour mieux joindre les deux bouts », révèle, sans aucune gêne, X, un autre fonctionnaire.

    Mais d’autres services de l’Etat fonctionnent mieux. Pas de hasard : ce sont ceux qui génèrent des recettes ; DGDA (douanes), DGI (impôts) ou DGRAD (recettes administratives, domaniales et judiciaires). Là, « nous sommes motivés grâce à la prime spéciale mensuelle qu’on nous alloue et qui est de loin supérieure à nos salaires. Celle-ci provient de la rétrocession sur nos réalisations », avoue A.T., un agent de la Direction générale des impôts (DGI). Dans ces services, les retardataires sont souvent sanctionnés par un blâme, voire par une exclusion temporaire avec privation de la prime et/ou du salaire. Selon un responsable de l’un de ces services, il s’agit de l’application de « la loi du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière de l’Etat, article 60 ».

    Changements ?

    Est-ce que le service minimum va durer ? Le projet de loi de réforme de l’administration publique, encore en lecture à l’Assemblée nationale et visant le rajeunissement du secteur par lamise en retraite des agents éligibles, prévoit également de mettre fin à cette situation. Une première mesure a déjà été prise : la bancarisation des paies depuis octobre 2012. Selon Daniel Mukoko Samba, vice-Premier ministre et ministre du Budget, « la première phase de cette opération a permis à l’Etat congolais de récupérer les salaires des agents fictifs et d’ajouter un montant de 10 000 FC (11$) sur le salaire de chaque agent et fonctionnaire de l’Etat à partir d’avril de cette année ». Autrement dit : dégraisser et répartir les économies ainsi faites parmi les agents restants. Un début, certes. Pas sûr que ce soit suffisant, néanmoins, pour que les bureaux du building Dragage ouvrent plus tôt dans un avenir proche…

     

    Martin Nlandu di Lusala

     

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